
Qu’est-ce que les êtres humains attendent de la vie? Dans «Malaise dans la culture», Sigmund Freud fait une analyse fouillée de cette question. La réponse est évidente: «Ils aspirent au bonheur, ils veulent être heureux et le rester.» Et, pour tempérer aussitôt toute attente d’un bonheur pérenne, il ajoute: «L’intention que l’homme soit heureux n’est pas inscrite dans le plan de la création. Et pourtant, nous poursuivons avec ardeur la quête du plus beau des sentiments. Le psychanalyste François Ansermet et le neurobiologiste Pierre Magistretti ont abordé cette question dans leur livre récent « Les énigmes du plaisir » (Editions Odile Jacob, Paris 2010).
Qu’en est-il, au juste, de cette quête humaine du bonheur? Les neurosciences répondent: elle est pour nous un moteur. «Tout ce que nous sommes, que nous pensons, que nous sentons et faisons puise en dernière analyse son énergie, sa dynamqique et sa direction dans le bonheur que nous espérons», dit à ce propos le spécialiste en neurosciences Gerhard Roth. Le bonheur est pour ainsi dire la plus belle de nos aspirations. «Une aspiration qui entre manifestement en opposition avec notre penchant pour le farniente et qui, par amusement, curiosité et récompense, stimule la mobilité neuronale», dit encore Gerhard Roth. Le bonheur est donc le préalable de l’inventivité et de la quête d’horizons nouveaux.
D’où le rapprochement que l’on fait souvent entre le bonheur et le phénomène dit du vécu-flux, qui se produit lorsque l’on est entièrement absorbé par une activité. Beaucoup de grands scientifiques ont fait leur oeuvre par passion. Interrogé vers la fin de sa vie sur les raisons pour lesquelles il avait consacré tant de temps à mesurer la vitesse de la lumière, Albert Michelson, prix Nobel de physique, aurait répondu: «Tellement cela me donnait de plaisir.»
Des messagers du bonheur dans le cerveau
On distingue dans la biochimie du cerveau trois types de bonheur, médiés chacun par des messagers chimiques bien précis:
• Le bonheur du vouloir: quand nous aspirons à quelque chose, la dopamine laisse entrevoir la récompense, des endorphines produisent alors un état d’euphorie.
• Le bonheur de l’évitement: lorsque nous échappons à un danger ou le surmontons, la baisse du taux de cortisol et d’adrénaline procure une détente.
• Le bonheur d’être: quand nous avons ce qu’il nous faut, la morphine endogène induit un sentiment de félicité, la sérotonine calme et l’oxytocine met en empathie avec les autres.

